VIDE, adj. et subst. masc.
I. Adjectif
A. 1. Qui ne contient rien de concret; p. ext., qui est dépourvu de son contenu. Anton. empli, plein, rempli. Armoire, boîte, coffre, valise, vitrine vide; assiette, bouteille, tasse, verre vide; emballage, pot de confiture vide; appartement, pièce vide (sans meubles); espace vide entre deux colonnes; parties vides d'un édifice; récipient à moitié, aux trois quarts vide. Les plats vides couvraient la table, et un nombre prodigieux de pots de bière, les uns vides, les autres pleins, attestaient qu'ils étaient là depuis longtemps (KARR, Sous tilleuls, 1832, p. 261). Entre chaque pile [de briques], on laisse un espace égal à l'épaisseur d'une brique et entre chaque groupe de 8 piles, on laisse un espace vide égal à 5 fois l'épaisseur d'une brique; cet intervalle sera la base du foyer (BOURDE, Trav. publ., 1928, p. 132).
Loc. verb.
Avoir l'estomac vide. Ne pas avoir d'aliments dans l'estomac; p. ext., être affamé. Sous les peupliers, la position devenait intenable (...). Le pis était qu'on avait l'estomac vide, le repas du soir ayant consisté en deux betteraves pour les six hommes (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 444).
(Avoir) le ventre vide. Être affamé. Nous traînions sur le port depuis des semaines, le ventre vide, les pieds vannés, sales et hirsutes (CENDRARS, Bourlinguer, 1948, p. 72).
Avoir les mains vides. V. main 1re Section I D 1 a. Avoir la bourse vide. V. bourse1.
[En parlant de l'enveloppe, de la coque d'un végétal, d'un animal] Qui a été débarrassée de la matière vivante qui la remplissait. Synon. creux. Cosse de pois vide; coquille de noix vide. Un tapage, de l'autre côté du mur, lui coupa la parole. C'étaient des jurons d'homme, des pleurs de femme (...), avec des coups sourds qui sonnaient comme des heurts de courge vide (ZOLA, Germinal, 1885, p. 1228). Certaines zones sont plus peuplées que d'autres, les courants accumulent les coquilles vides en certains points (COMBALUZIER, Introd. géol., 1961, p. 113).
En partic.
PHILOS. ANC. [En parlant de l'espace] Inoccupé par la matière. (Dict. XIXe et XXe s.).
SC. PHYS. [En parlant d'un espace clos] Qui contient une matière raréfiée. Après plusieurs essais, il [Lee de Forest] fut amené à placer dans une ampoule vide une électrode chaude et une électrode froide qu'il reliait, respectivement à la terre et au circuit d'utilisation, en série avec une batterie (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 268).
[En parlant d'un milieu, d'une solution] Optiquement vide. Au travers duquel l'ultramicroscope ne permet de déceler aucune suspension. Les solutions des sels alcalins et alcalino-terreux sont seules optiquement vides (GASNIER, Dépôts métall., 1927, p. 186).
Spécialement
INFORMAT. ,,Qui caractérise une information nulle, dont il ne faut pas tenir compte ou non porteuse de sens`` (BUREAU 1972).
LING. Mot vide. Mot qui n'est pas chargé d'une fonction sémantique, dont le rôle est uniquement d'indiquer, de préciser ou de transformer la catégorie des mots pleins et de régler leurs rapports entre eux (d'apr. TESN. 1965, p. 53). Synon. mot-outil (rem. s.v. outil); anton. mot plein*. Ainsi le télégramme français « Arriverai Paris demain train huit heures » se comprend aisément comme « j'arriverai à Paris demain par le train de huit heures », tandis que les mots vides de cette phrase n'auraient, à eux seuls, aucun sens; j', à, par, le, de (TESN. 1965, p. 54).
LOG. Occurrence vide. Occurence ,,dont le remplacement ne transforme pas la valeur de vérité de l'énoncé où elle se trouve`` (GDEL).
MATH. Ensemble vide. Ensemble ne contenant aucun élément. Il existe un ensemble et un seul n'ayant aucun élément; on l'appelle ensemble vide et on le note ø (CHAMB. 1981).
NAV. FLUVIALE. Bateau vide. Synon. bateau lège*. La vitesse des convois et des bateaux est actuellement voisine de : 3,5 kmh pour les bateaux en charge, isolés; 4, 5 kmh pour les convois de deux péniches chargées; 6, 5 kmh pour les bateaux vides (Nav. intér. en Fr., 1952, p. 7).
ZOOL. [En parlant d'une jument] Qui n'est pas fécondée. (Ds ST-RIQUIER-DELP. 1975). Anton. plein (v. ce mot I A 1 b).
2. Où il n'y a personne, qui est inoccupé. Synon. désert, libre, vacant ; anton. occupé. Appartement, chambre, pièce vide; chaise, fauteuil, lit, trône vide; autocar, wagon vide; allée, boulevard, rue vide; scène de théâtre vide (soit avant l'entrée des acteurs, soit un court instant au cours d'un spectacle). J'aime l'isolement, non la solitude. Il me plaît d'entendre aller et venir autour de moi alors que je suis seul dans la pièce où j'écris, mais une maison vide me cause toujours un certain malaise (GREEN, Journal, 1954, p. 260).
P. exagér.
Où il y a peu de monde. Synon. désert, où il n'y a pas un chat (fam., v. chat1). Les magasins, les rues sont vides à cette heure; Paris, les cafés, les salles de spectacles sont vides en cette saison:
[L'officier] donna le billet à Alain. Tu l'échappes belle, mon garçon. Allez! file, voilà ton sauf-conduit. Jamais la vie ne leur avait paru si belle qu'au long du chemin qui les ramenait vers Avelghem, libres. Le pays était vide et désert, les maisons pillées (...). On n'avait pas mangé depuis la veille (...). Mais on venait d'échapper à la mort. On se sentait vivre. Et la guerre était finie.
VAN DER MEERSCH, Invas. 14, 1935, p. 435.
Qui semble complètement désert et sans vie du fait de l'absence d'une personne aimée. Elle annonça à René et à Alix qu'elle partirait pour Paris le lendemain (...). Ne reste pas longtemps, maman Laure, la maison est trop vide sans toi (DANIEL-ROPS, Mort, 1934, p. 449).
CHASSE, VÉN. Enceinte, couvert, étang vide. Enceinte, couvert, étang qui ne contient pas de gibier (d'apr. DUCHARTRE 1973).
3. Qui n'est pas occupé par quelque chose; dont rien ne vient rompre l'uniformité. Synon. dénudé, dépeuplé, nu2; anton. encombré, peuplé, rempli. Mer, plaine vide; grands espaces vides; terres vides. On était aux premiers jours de novembre, le vent d'est avait apporté déjà une bourrasque de neige, il faisait très froid, entre les quatre murs vides, sur le carreau nu (ZOLA, Débâcle, 1892, p. 505). Aussi loin que porte mon regard, la campagne est vide (MAURIAC, Nouv. Bloc-Notes, 1960, p. 367).
Poét. Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe Ô nuits! ni la clarté déserte de ma lampe Sur le vide papier que la blancheur défend Et ni la jeune femme allaitant son enfant. Je partirai! (MALLARMÉ, Poés., 1898, p. 38).
B. Au fig.
1. [En parlant d'un espace de temps] Qui n'est pas occupé par une activité. Anton. plein, rempli. Dimanche d'hiver vide et triste; soirée vide; heure, moment, temps vide. La dernière soirée de l'année (...) Cette année a été pour moi si monotone, si peu remplie, si vide, qu'elle m'a semblé étonnamment courte (LOTI, Journal, 1878-81, p. 282). Pour ma part, je me sens écrasé d'ennui après une longue journée complètement vide [à l'armée] (GREEN, Journal, 1942, p. 258).
P. ext. Qui n'est marqué par aucun événement important. Il faut [après le IVe siècle] (...) traverser de longs siècles vides; ils comptent pourtant dans la formation de notre art (HOURTICQ, Hist. art, Fr., 1914, p. 4).
2. [En parlant d'une pers.]
a) Qui se sent privé de vitalité, qui est incapable de réfléchir, d'agir. Nous allons causer de tout cela et je me déciderai, mais je me sens très vide et très fatigué, et je ne suis pas gai (FLAUB., Corresp., 1863, p. 324). Quand Anny m'a quitté, d'un seul coup, d'une seule pièce, les trois ans se sont écroulés dans le passé. Je n'ai même pas souffert, je me sentais vide (SARTRE, Nausée, 1938, p. 88).
(Avoir) la tête, le crâne, le cerveau, l'esprit vide. Ne plus jouir de toute sa présence d'esprit, se sentir incapable de réfléchir ou d'agir (à la suite d'un choc émotif ou d'une grande fatigue). Je ne raisonnais plus (...). Et je demeurai immobile le cerveau vide, le cœur battant (MAUPASS., Contes et nouv., t. 1, Morin, 1882, p. 853). Il revenait surtout à cet instant (...) où il avait senti drôlement que tout son être se vidait, que son crâne était vide, que son cœur n'avait plus de sang (GENEVOIX, Raboliot, 1925, p. 40). Nous marchions la tête vide, les yeux douloureux de leur excès de fixité, les jambes molles (GRACQ, Syrtes, 1951, p. 164).
(Avoir) le cœur vide. Être dénué de tout sentiment, de toute vie affective. Jamais son cœur vide et altier n'avait goûté les douceurs de la famille (SAND, Valentine, 1832, p. 98). J'ai le cœur affreusement vide (LOTI, Journal, 1878-81, p. 275).
Regard, yeux vide(s). Regard où n'apparaît aucune expression. Elle regardait les maisons, les gens (...) avec des yeux vides qui ne voyaient rien (MAUPASS., Fort comme la mort, 1889, p. 41). Épuisé (...), le socialiste (...) promena un regard vide sur les collègues qui l'attendaient (VOGÜÉ, Morts, 1899, p. 377).
Avoir une case vide. V. case2.
b) Qui manque de profondeur, qui est dépourvu de qualités morales, intellectuelles. Synon. futile, inintéressant, insignifiant, superficiel. La femme du monde est vide d'ordinaire; avec les convenances pour lois, l'opinion pour guide, le scandale pour crainte, la toilette pour pensée (PÉLADAN, Vice supr., 1884, p. 55). Pozzi, autre chirurgien (...) ne m'intéresse pas du tout (...). Il est bellâtre, pommadé, bavard et vide (L. DAUDET, Salons et journaux, 1917, p. 189).
« À New-York, en 1915, j'achetai dans une quincaillerie une pelle à neige sur laquelle j'écrivis: En prévision du bras cassé. »
Marcel Duchamp
La Fontaine de Duchamp.
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